Revenons sur lâeffroyable bombardement du 19 avril 1944, qui a transformĂ© Sotteville-lĂšs-Rouen en un champ de dĂ©combres, avec son chapelet de morts, de blessĂ©s, de disparus et de sans-abri⊠Pendant la seconde guerre mondiale, lâaviation allemande puis alliĂ©e ont bombardĂ© Ă 38 reprises les installations ferroviaires, mais aussi et surtout la ville par manque de prĂ©cision. Mais, le bombardement de la nuit du 18 au 19 avril 1944 a Ă©tĂ© le plus terrible. En trois quarts dâheure, lâaviation anglo-amĂ©ricaine a provoquĂ© lâapocalypse sur Sotteville la ville est dĂ©vastĂ©e et le centre-ville a quasiment disparu. Pour lâoccupant, le chemin de fer de Sotteville Ă©tait stratĂ©gique. La gare de triage lâune des plus grande dâEurope Ă cette Ă©poque, ainsi que les ateliers dâentretien et de construction de matĂ©riel ferroviaire, Ă©tait utilisĂ©e par les armĂ©es allemandes, car le matĂ©riel et surtout la main dâĆuvre Ă©taient trĂšs prĂ©cieux. Afin de prĂ©parer le dĂ©barquement de Normandie et retarder les renforts allemands, lâobjectif des alliĂ©s Ă©tait donc de dĂ©truire cet important nĆud ferroviaire. Peu aprĂšs minuit, les ronflements des 273 bombardiers Lancaster venus dâAngleterre ont commencĂ© Ă se faire entendre, mais câest seulement Ă 0 h 16, que lâalerte a Ă©tĂ© donnĂ©e. La population, surprise dans son sommeil, nâa ni le temps de sortir ni de sâabriter. Dans un premier temps, des fusĂ©es Ă©clairantes, des TIâs, Ă©taient lancĂ©es pour marquer les zones Ă bombarder, mais des erreurs de marquage Ă©taient Ă dĂ©plorer surtout au Nord. Le lĂ©ger vent les a aussi dispersĂ©es sur la ville. Les deux objectifs ont ensuite Ă©tĂ© bombardĂ©s lâobjectif Sud Ă partir de 0h20 partie de la gare de triage situĂ©e entre la gare voyageurs et les ateliers de Quatre Mares, puis lâobjectif Nord Ă partir de 0h40 dĂ©pĂŽt des locomotives. 6000 bombes ont Ă©tĂ© larguĂ©es sur Rouen, Bonsecours, Amfreville-la-Mivoie, SaintâEtienne du Rouvray, Petit Quevilly, Grand Quevilly et BoisâGuillaume. 3800 bombes sont tombĂ©es sur Sotteville-lĂšs-Rouen. La gare de triage nâa pas subi autant quâelle aurait dĂ» en tant que cible 338 bombes seulement !, et ce sont les quartiers du vieux Sotteville » aux abords de celle-ci qui ont Ă©tĂ© les plus atteints. Il faut dire que chaque bombe avait de grandes chances de provoquer des dommages collatĂ©raux car â Elle Ă©tait considĂ©rĂ©e dans la cible si elle tombait Ă moins de 500m de part et dâautre de celle-ci â soit une envergure de 1000m â mais la gare de triage ne faisait que 300m de large ! â Le choix obscur a Ă©tĂ© fait aborder la gare de triage avec un angle de 30°, et non en enfilade. â Ă une vitesse de 380 km/h, un avion met 3 secondes Ă parcourir les 500 mĂštres qui sĂ©parent la gare de triage et le centre-ville. Pas Ă©vident donc de larguer les bombes au bon moment ! Plan des destructions par bombardements et dĂ©molitions lors de la Reconstruction. On constate que ce sont les quartiers proches des voies de chemin de fer qui ont le plus souffert⊠Cliquez pour agrandir Cette nuit du 18 au 19 avril 1944 Ă©tait une opĂ©ration dâenvergure qui comprenait aussi les installations ferroviaires de Tergnier, Juvisy et Noisy-le-sec. En avril et mai, ce sont au total 37 triages de France, Belgique et Allemagne de lâouest qui ont Ă©tĂ© dĂ©truits. Le bilan du bombardement du 19 avril 1944 a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© par la commune de Sotteville-lĂšs-Rouen Ă 561 morts, 14 disparus, 226 blessĂ©s graves, 1575 sinistrĂ©s et une centaine de blessĂ©s lĂ©gers, mais le nombre de victimes a dĂ» ĂȘtre plus Ă©levĂ©, car deux ans aprĂšs on retrouverait encore des cadavres dans les dĂ©combres⊠Sotteville a Ă©tĂ© libĂ©rĂ©e le 31 aoĂ»t 1944. Le bilan de la guerre est lourd 722 morts sous les bombes, un tiers des habitations dĂ©truites et un tiers trop endommagĂ©es pour ĂȘtre reconstruites. Si le sujet vous intĂ©resse, vous pouvez lire le livre trĂšs prĂ©cis de Paul Le Trevier et Daniel Rose Ce qui sâest vraiment passĂ© le 19 avril 1944 » âș VOIR AUSSI Tous les articles sur Sotteville bombardĂ©e
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UNE ENTREPRISE PUBLIQUE DANS LA GUERRE LA SNCF, 1939-1945 TroisiĂšme partie Les cheminots dans la guerre et lâoccupation Yves Machefert-Tassin â Le bilan des bombardements aĂ©riens des installations ferroviaires en France, leurs consĂ©quences stratĂ©giques et humaines tactiques incohĂ©rentes, rĂ©sultats discutables, victimes civiles exorbitantes et destructions Ă long terme inutiles ? Lâhistoire du bombardement aĂ©rien des voies ferrĂ©es depuis la guerre 1914-1918 a pour rĂ©sultat, en 1940, une stagnation Ă©vidente et bien peu de moyens du cĂŽtĂ© des AlliĂ©s1. En revanche, la campagne de France allemande de mai 1940 prouve lâefficacitĂ© relative et la prĂ©cision des bombardements en piquĂ© Stukas ou 342 Junker 87 B, sur des objectifs de faibles dimensions, dont les installations ferroviaires fixes et mobiles. En consĂ©quence, le nombre de victimes civiles ou cheminotes est, pour cette campagne, fort rĂ©duit. Avant mĂȘme lâarmistice, la rĂ©plique britannique en est le bombardement Ă basse altitude, encore localisĂ©, des ports du Nord de la France et des voies de dessertes impliquĂ©s dans le rassemblement des barges prĂ©vues pour un Ă©ventuel dĂ©barquement allemand en Angleterre. Les premiĂšres installations du rail ainsi touchĂ©es par le Bomber Command de la RAF sont celles de Boulogne-sur-Mer dĂšs le 12 juin 1940, puis Calais, Dunkerque et Saint-Omer de 1940 Ă 19422. Cependant, lors de la campagne de mai-juin 1940, le rĂ©seau français nâavait Ă©tĂ© atteint que par des destructions mineures, ne touchant pas les ouvrages stratĂ©giques. La reconstruction, entreprise fin 1940, est achevĂ©e en 1942 pour 2 100 dâentre eux. Quelques ouvrages majeurs entiĂšrement reconstruits, tel Longeray sur le RhĂŽne, ont Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©s par la suite en 1944, tant par lâaviation que par le minage et, Ă lâinverse, certains, Ă©pargnĂ©s en 1940, ont Ă©tĂ© dĂ©truits par les Allemands en retraite lorsquâils en avaient le temps, comme dans le Nord et lâEst de la France. La difficultĂ© dâ â asphyxier â un adversaire par lâinterruption du trafic qui le ravitaille nâest donc apparue quâaprĂšs bien des Ă©checs. Ce nâest que bien aprĂšs 1945 que les militaires ont constatĂ© lâincohĂ©rence entre les moyens aĂ©riens quâils avaient dĂ©veloppĂ©s dans un but de guerre totale, de bombardements de terreur sur les zones urbaines allemandes et la faiblesse des rĂ©sultats obtenus quand ils Ă©taient appliquĂ©s aux objectifs prĂ©cis, spĂ©cifiques que sont les voies de communication, surtout ÂferrĂ©es. 1940-1943 UN ĂCHEC STRATĂGIQUE Ă la suite des raids aĂ©riens allemands de fin 1940 Ă dĂ©but 1941 sur les docks de Londres, puis sur des villes industrielles britanniques, en particulier sur les usines dâaĂ©ronautique Rolls Royce Ă Coventry, par exemple, arrĂȘtĂ©s par la bataille dâAngleterre oĂč sâillustre la chasse anglaise, une contre-attaque est lancĂ©e aussitĂŽt vers le continent. Les opĂ©rations sont locales, menĂ©es de jour et sur la zone cĂŽtiĂšre de la Manche par des bombardiers moyens, lĂ©gers et rapides bimoteurs Maraudeurs et Mosquitos. Les objectifs visĂ©s, lorsquâils sont ferroviaires, vont des ouvrages dâart, tel le viaduc de Morlaix, Ă lâouest 29 janvier 1943, 39 morts civils, Ă quelques installations du Nord, telles Abbeville, Saint-Omer, et jusquâĂ Amiens et Tergnier attaquĂ©s dâavril 1942 Ă juillet 1943. Devant le peu de rĂ©sultats de ces raids lĂ©gers dits â tactiques â, le Bomber Command â lourd â reprend les opĂ©rations, quâil conforme Ă sa pratique des arrosages â punitifs â de grandes surfaces, comme sur les villes allemandes, puisque selon son propre chef, Harris, â câest la seule chose quâils sachent faire â3. Ajoutons que cette dĂ©cision du cabinet de guerre britannique, qui est essayĂ©e dâavril 1942 au 8 mars 1943 sur 29 objectifs ferroviaires en France, est dĂ©jĂ contestĂ©e par les AmĂ©ricains de lâUS Air Force arrivant en Grande-Bretagne pour Ă©tablir leurs propres bases dâattaques aĂ©riennes. Mais leurs dĂ©buts se rĂ©vĂšlent dĂ©sastreux Rennes-triage, le 8 mars 1943, 10 % dâimpacts sur le site SNCF et 300 morts civils, ou Rouen-Sotteville et, pour servir la vanitĂ© dâIra Eaker et de sa 8e USAF, les essais infructueux de coupure de la liaison vers lâItalie Marseille-Vintimille, par des attaques multiples du viaduc dâAnthĂ©or. Il faudra 6 expĂ©ditions successives Ă partir de 1943, relayĂ©es par la RAF tout aussi malhabile, pour finir par encadrer le viaduc dâAgay, pris pour celui dâAnthĂ©or le 12 fĂ©vrier 1944 ! Si, au sol, les dĂ©gĂąts civils sont relativement minimes, il en est de mĂȘme du point de vue ferroviaire, puisque quelques cratĂšres sur la voie interrompent seulement de quelques heures Ă quelques jours une liaison majeure germano-italienne. De tels rĂ©sultats conduisent Ă lâabandon de toute idĂ©e dâattaques sur les ouvrages dâart. Il sont trop difficiles Ă atteindre par les bombardiers lourds Ă haute altitude et lâon ne pense pas Ă dĂ©velopper les attaques en piquĂ© en utilisant les bimoteurs rapides existants. Quâen est-il de la dĂ©fense passive des installations de la SNCF ? Si les AlliĂ©s nâont dĂ©veloppĂ© leurs moyens de bombardement quâĂ partir de 1943, en revanche le continent avait renforcĂ© ceux de sa dĂ©fense passive depuis 1939 et, parfois, dĂšs 1937. En France, avant mĂȘme la crĂ©ation de la SNCF en 1937, les autoritĂ©s militaires demandent aux rĂ©seaux dâeffectuer des â travaux de protection des carrefours ferroviaires contre les attaques aĂ©riennes, car ils sont essentiels pour la continuitĂ© des transports militaires â. Câest ainsi que des installations importantes sont pourvues, en 1938 et 1939, dâabris bĂ©tonnĂ©s dâurgence, enterrĂ©s ou en surface, gĂ©nĂ©ralement de petite surface 4 Ă 20 mÂČ, soit pour 4 Ă 20 hommes. Le toit, dâenviron 1 m Ă 1,5 m dâĂ©paisseur, ne peut rĂ©sister quâaux bombes explosives de 300 kg considĂ©rĂ©es comme le maximum de lâĂ©poque ! ; en revanche, ces abris sont Ă©quipĂ©s le plus souvent pour rĂ©sister aux attaques chimiques par gaz de combat. Des variantes, abris simplifiĂ©s dits individuels, prĂ©fabriquĂ©s, Ă toiture conique, aussi bien que des abris plus importants, pour 20 Ă 40 personnes, sur les sites oĂč la main-dâĆuvre est plus nombreuse bĂątiments administratifs, ateliers, apparaĂźtront de 1939 Ă 19444. Les consĂ©quences des tergiversations de la RAF et de lâUSAF et le rapport â Butt â Les rĂ©sultats dĂ©sastreux des attaques aĂ©riennes de jour Ă haute altitude de lâUSAF en 1943, mĂȘme si la chasse adverse est faible, conduisent la RAF Ă essayer de son cĂŽtĂ© quelques raids de jour, avec des bombardiers moyens et rapides accompagnĂ©s de chasseurs jusquâĂ ce que la maĂźtrise de lâair sur la Manche leur soit assurĂ©e. En principe complĂ©mentaires des raids â lourds â de nuit, ils concernent des objectifs ferroviaires trĂšs divers, comme Ă Caen 10 fĂ©vrier 1943 puis Ă Tours fĂ©vrier 1943 oĂč interviennent des formations de Mosquitos Ă trĂšs basse altitude. Devant le peu de rĂ©sultats obtenus, la RAF revient aussi aux bombardiers lourds sur Modane 17 septembre et 11 novembre 1943 avec non moins de 340 appareils. Ici encore les rĂ©sultats sont ambivalents, sinon nuls interruptions de circulation allant de un Ă quatre jours, au prix de nombreuses vies humaines, tant cheminotes que civiles, et dâĂ©quipages5. Le comble est atteint avec le raid avortĂ© de 548 appareils du 5 dĂ©cembre 1943, dont 3 seulement trouvent lâune de leurs multiples cibles, au coĂ»t de 9 appareils disparus pour rien. Ă la suite de ces rĂ©sultats qui commencent Ă se savoir, Churchill demande un rapport â civil â qui porte le nom de son auteur principal â D. N. Butt â, basĂ© sur les rĂ©sultats des raids de nuit de toutes catĂ©gories mais principalement sur lâAllemagne. Ses conclusions sont dâune sĂ©vĂ©ritĂ© sans appel pour le Bomber Command britannique. Elles rĂ©vĂšlent les dĂ©fauts de principe dâune stratĂ©gie qui consiste en flux opĂ©rationnels longs, de ce fait trĂšs risquĂ©s pour les derniers avions, ainsi que lâinefficacitĂ© complĂšte du Carpet bombing â en tapis â ou â de surface â , dâune dispersion et dâune imprĂ©cision faciles Ă constater sur les reconnaissances photographiques postĂ©rieures malgrĂ© la prĂ©cision des â marquages â6. Churchill, dĂ©but 1943, se pose donc sĂ©rieusement la question continuer ou arrĂȘter ? La question dâĂ©thique des reprĂ©sailles de terreur sur des objectifs civils nâest guĂšre abordĂ©e, bien que les voix de quelques lords et de lâĂ©vĂȘque de Chichester sâĂ©lĂšvent en ce sens. Churchill est presque contraint par lâĂ©tat-major de la RAF qui nâa aucun autre moyen dâattaque, et en lâabsence dâalternative disponible que seraient des chasseurs-bombardiers lĂ©gers et rapides, de persister dans la voie de lâ â arÂrosage â nocturne, approximatif, â de surface â. Harris â the Bomber â gagne ainsi le maintien officiel de lâespoir dâatteindre le moral des troupes par la destruction des maisons et par la â terreur des familles â. Mais il atteint aussi ses Ă©quipages, qui dĂ©couvrent que la DCA nâest pas rĂ©servĂ©e Ă des zones militaires quasi inaccessibles comme la base de Cherbourg, presque jamais attaquĂ©e. LâANNĂE 1944 Les grandes opĂ©rations prĂ©paratoires au dĂ©barquement mars Ă juin 1944 Quel est exactement le plan alliĂ© ? Le gĂ©nĂ©ral Eisenhower le prĂ©cise â Câest la dislocation des lignes de communications ennemies sur une zone bien plus Ă©tendue que la rĂ©gion mĂȘme du dĂ©barquement [âŠ]. Durant la pĂ©riode de prĂ©paration, soit seulement en mai 1944, des forces aĂ©riennes tacÂtiques seront utilisĂ©es contre les objectifs ferroviaires. â Cela nâest pas du goĂ»t du Bomber Command Harris car ces forces aĂ©riennes tactiques reprĂ©sentent environ 2 400 chasseurs ou chasseurs-bombardiers et 700 bombardiers lĂ©gers alors quâexistaient dĂ©jĂ 4 000 bombardiers lourds. Par ailleurs, ce nâest pas de gaietĂ© de cĆur que le gĂ©nĂ©ral Eisenhower se dĂ©cide Ă dĂ©truire le systĂšme des communications françaises, dont il espĂšre bien pouvoir se servir, Ă son tour, pour progresser vite, alors que F. D. Roosevelt y Ă©tait indiffĂ©rent7. â Je me rendais compte, Ă©crit-il, que les attaques contre les gares de triage et les centres ferroviaires par les forces stratĂ©giques et tactiques entraĂźneraient de nombreuses pertes de vies françaises. En outre, une trĂšs importante part de lâĂ©conomie française serait incapable de fonctionner pendant un laps de temps considĂ©rable [âŠ]. NĂ©anmoins, pour des raisons purement militaires, jâai considĂ©rĂ© que le systĂšme des communications françaises devait ĂȘtre disloquĂ©. â Et il obtient gain de cause, cette fois, contre Churchill qui craignait des rĂ©actions justifiĂ©es8. Reportons-nous en mars 1944. Ce quâil faut obtenir, câest â lâencagement du champ de bataille â. Les Ă©tats-majors allemands, mais non la Luftwaffe, sont persuadĂ©s que lâinvasion se fera par le Pas-de-Calais. Ils y ont maintenu et concentrĂ© la 15e ArmĂ©e, tandis quâen Normandie ils nâont groupĂ© que dix divisions, dont une blindĂ©e. Les AlliĂ©s doivent donc empĂȘcher la 15 e ArmĂ©e et les autres rĂ©serves de se dĂ©placer vers la Normandie durant les opĂ©rations ou du moins retarder leur progression et maintenir les Allemands dans le doute sur le lieu du dĂ©barquement, tout en coupant lâaccĂšs aux installations de V1 et V2 qui viennent dâĂȘtre identifiĂ©es. La campagne sâouvre, en mars 1944, par des bombardements sur le rĂ©seau ferroviaire du Nord-Ouest de lâEurope. LâĂ©tat-major de lâAir alliĂ© a Ă©tabli lâordre de prioritĂ© suivant 1 / ponts principaux ; 2 / nĆuds ferroviaires et installations â dĂ©pĂŽts, plaques tournantes [sic], â postes dâaiguillage, â commande-signaux [sic], â gares de triage ; 3 / trains mitraillage. Ă partir de la mi-avril, les bombardiers des forces aĂ©riennes stratĂ©giques abandonnent les objectifs lointains allemands pour concentrer leurs attaques sur les rĂ©seaux ferroviaires français et belge. Les points visĂ©s sont en premier lieu LiĂšge, Namur, Mons, Charleroi, Arras, dâune part, les gares de triage de la rĂ©gion parisienne, dâautre part. Le commandement alliĂ© a, en outre, prĂ©vu lâĂ©tablissement dâune â ligne dâinterdiction â par la rupture des ponts sur la Seine entre Paris et Le Havre. Ă partir du 27 mars, ce plan entre en application. Afin de tromper les Allemands sur le lieu de dĂ©barquement, cette premiĂšre ligne dâinterdiction est bientĂŽt doublĂ©e dâune seconde qui longe le canal Albert et la Meuse. Lâattaque des objectifs ferroviaires et routiers doit atteindre son paroxysme au mois de mai. Elle porte sur quatre secteurs distincts â entretien des destructions sur la ligne LiĂšge, Mons, Arras et attaques dans le quadrilatĂšre Rouen, Paris, MĂ©ziĂšres, Dunkerque servant aussi dâaccĂšs aux installations V1 et V2 ; â rupture des ponts routiers et ferroviaires sur la Meuse et la Seine ; â bombardements sur les centres ferroviaires de lâAllemagne occidentale Hamm, Aix-la-Chapelle, TrĂšves, Mannheim, du Luxembourg et de lâEst de la France Ăpinal, Thionville, Belfort, Mulhouse, Strasbourg ; â attaques des installations ferroviaires dans la rĂ©gion de la Loire OrlĂ©ans, Tours, Nantes, Saumur et dans le Sud-Est de la France Nice, Avignon, NĂźmes. On note, cependant, que ce programme fait lâobjet de vives controverses, trĂšs directes, entre les principaux responsables anglais et amĂ©ricains, y compris entre Churchill et Eisenhower. HĂ©sitations tactiques et rĂ©sultats La conception amĂ©ricaine du bombardement dit â de prĂ©cision â parce quâil Ă©tait supposĂ© devoir atteindre son but, Ă haute altitude et de jour, en formation serrĂ©e et sans escorte, est vite rĂ©duite Ă nĂ©ant par la chasse de la Luftwaffe. Outre les effets des attaques sur le moral des civils touchĂ©s, elle entraĂźne des pertes excessives en appareils et Ă©quipages en octobre 1943, un tiers du 8e Bomber Command USAF fut dĂ©truit en une semaine. La RAF reprend alors des opĂ©rations nocturnes, relayant ou remplaçant lâUSAF. Jusquâen juin 1944, les opĂ©rations menĂ©es par les deux armĂ©es de lâair concurrentes sont entiĂšrement distinctes, la coordination ne venant quâaprĂšs le dĂ©barquement ! Ce qui ne suffit pas Ă expliquer certaines incohĂ©rences des raids ferroviaires. Ă quoi aboutissent ces dĂ©bats, vus du rail et du sol, dans la rĂ©alitĂ© des faits ? En fĂ©vrier-mars 1944, les Anglais doivent renforcer, sous le nom de leurre de Fortitude, leur protection contre les armes de reprĂ©sailles en cours dâinsÂtallation au Nord-Ouest de la France. Un dĂ©barquement en Pas-de-Calais deÂvient incertain. Ils doivent aussi assurer avec les AmĂ©ricains la prĂ©paration de la tenaille dâOverlord entre Seine et Loire. La rĂ©ponse Ă ces obligations tient dans les premier raids aĂ©riens massifs sur les cibles ferroviaires dĂ©signĂ©es par le nom, gĂ©nĂ©rique, de â triages â français, regroupant 80 installations de la SNCF aussi diverses, en dehors des triages eux-mĂȘmes, que faisceaux de garage, ateliers dâentretien du matĂ©riel roulant, dĂ©pĂŽts de locomotives, mais aussi gares de marchandises, bifurcations, ensuite seulement les ouvrages dâart. Cette premiĂšre vague de prĂ©paratifs pour Overlord est censĂ©e brouiller les pistes et Ă©viter de dĂ©voiler les vĂ©ritables zones choisies pour le dĂ©barquement. Lâoffensive commence par â 27 triages â. AprĂšs les essais prĂ©cĂ©dents, regrettables Ă tous points de vue, y compris leur inutilitĂ©, qui ont marquĂ© 1943, câest Le Mans-triage qui dĂ©bute la sĂ©rie en mars 1944. Bien que lâobjectif soit rĂ©putĂ© facile Ă atteindre parce que les habitations sont Ă©loignĂ©es, que la dĂ©fense au sol et la chasse allemande sont rĂ©duites, le succĂšs reste douteux9. Les destructions ferroviaires utiles Ă court terme du point de vue militaire sont presque nulles, les relevĂ©s aĂ©riens le prouvent dans ce cas comme dans les suivants. De ce fait, la rĂ©pĂ©tition de ces raids lourds devient impossible Ă Ă©viter. Comme ils sont difficiles Ă organiser, donc espacĂ©s en temps, la reconstruction partielle des itinĂ©raires de voies essentielles peut ĂȘtre menĂ©e Ă bien entre deux raids, ce qui ne gĂšne guĂšre les transports militaires, sinon en ralentissant de quelques jours les ravitaillements. Curieusement, Ă la mĂȘme Ă©poque, des raids extrĂȘmement prĂ©cis sont lancĂ©s contre les stations de radars allemands 40 sur 47, dispersĂ©s de Cherbourg Ă la Belgique, dans le but dâentretenir la confusion sur les zones de dĂ©barquement. EffectuĂ©s par des chasseurs-bombardiers Typhoon ou Spitfire, ou Mosquitos parfois pourvus de fusĂ©es-bombes, ils se rĂ©vĂšlent extrĂȘmement efficaces et peuvent se rĂ©pĂ©ter et harceler lâadversaire sans risques majeurs. Quoique la rĂ©sistance française et belge connaisse, approuve et aide ces opĂ©rations, il ne semble pas, Ă cause du cloisonnement et des luttes intestines entre Ă©tats-majors, que lâon ait pensĂ© Ă les utiliser contre les voies ferrĂ©es avant plusieurs mois. En ce qui concerne les attaques de trains, les cheminots nây Ă©taient guĂšre prĂ©parĂ©s ils connaissaient leurs risques, mais ne soupçonnaient pas encore lâabsence de discernement des attaquants qui allaient confondre convois militaires et civils, voies normales et voies Ă©troites. Quant aux bombardements de gares, ils nâĂ©taient pas plus efficaces dans le cas de 30 % des objectifs atteints, la SNCF pouvait remettre en service des voies de traversĂ©e en quelques heures, sinon en quelques jours en dĂ©pit des bombes Ă retardement. Ces constats sont valables pour tous les raids de mars Ă juillet 1944, car, malgrĂ© les perfectionnements du ciblage par radar H2S notamment, les radios de bord et dâidentification IFF sont trop bavardes, et permettent aux radars allemands de diriger avec plus de prĂ©cision la chasse nocturne. Celle-ci est pourvue, dĂšs fĂ©vrier 1944, de radars de pistage prĂ©cis SN2 qui Ă©quipent 480 appareils JU88 et ME110 en avril et de nouveaux canons obliques qui tiennent compte des angles morts des bombardiers britanniques. Sâensuivent des pertes atteignant, selon lâaveu mĂȘme des Anglais, une â quantitĂ© presque insupportable â, qui vont durer jusquâĂ la mise en service des chasseurs dâaccompagnement Ă grand rayon dâaction type P51 Mustang permettant aux AmĂ©ricains de prendre le relais des raids diurnes en juin-juillet. Mais auparavant, bien des citĂ©s cheminotes, voisines des objectifs â rail â, comptent des destructions dâhabitations considĂ©rables. Bien que les familles se dispersent, la nuit, loin des cibles, il y a encore trop de victimes civiles. Citons les exemples de Tergnier, Aulnoye, Laon, Lens ou Lille-DĂ©livrance au nord, en rĂ©gion parisienne Vaires10, Villeneuve-Saint-Georges, Juvisy et Trappes ; plus Ă lâouest et au sud, Rouen-Sotteville, Le Mans, Saint-Pierre-des-Corps et Les Aubrais. Les comptes rendus dâobservations des rĂ©sultats des Ă©quipages alliĂ©s en fin de mission se signalent par leur optimisme, exagĂ©rĂ© comme le rĂ©vĂšlent les photos aĂ©riennes prises ensuite, dĂ» surtout aux faibles pertes qui caractĂ©risent les objectifs ferroviaires Ă cette Ă©poque 1,1 Ă 1,5 % des appareils. Ă lâopposĂ©, cĂŽtĂ© SNCF, la tendance des rapports, quâils soient ou non officiels, et prĂ©vus pour des usages multiples, est aussi dâamplifier les dĂ©gĂąts â il sâagit dâĂ©viter la rĂ©pĂ©tition des bombardements et les prĂ©lĂšvements de matĂ©riel intact â tout en Ă©valuant assez justement les temps de remise en Ă©tat des voies principales. La SNCF peut ainsi rĂ©clamer un maximum de matiĂšres et de matĂ©riels de remplacement aux occupants11 en arguant des longueurs totales de voies atteintes par les bombes, alors que le rapport entre voies nĂ©cessaires Ă la continuitĂ© du rĂ©seau et voies de garage est de 1 Ă 10, voire de 1 Ă 20. La multiplication des objectifs et leur importance entraĂźne une montĂ©e trĂšs rapide des effectifs employĂ©s sur les chantiers de remise en Ă©tat, cheminots et civils de diverses provenances. Ils passent de 4 000 en avril Ă plus de 15 000 courant mai au rĂ©seau Nord, de 3 000 Ă 7 ou 9 000 Ă lâOuest. Le total atteindra 65 000 pour toute la SNCF. La RĂ©sistance est consciente de cette augmentation du nombre de victimes potentielles alors que lâĂ©tat-major aĂ©rien britannique ne la prend que peu en compte. Dans tous les cas il nâest pas en mesure de changer rapidement de tactique, alors quâOverlord se profile dans moins de trois mois. On constate alors que sur 26 attaques aĂ©riennes majeures, impliquant 4 264 bombardiers et le lĂącher de 15 290 t de bombes, explosives pour la plupart, 15 Ă 25 % selon le succĂšs du raid atteignent leurs objectifs, au sens large. Les pertes en avions, qui restent beaucoup plus Ă©levĂ©es sur lâAllemagne, oĂč est concentrĂ©e la majoritĂ© des dĂ©fenses, restent trĂšs faibles sur les objectifs ferroviaires français 1,5 Ă 2,3 % du nombre dâappareils, ce qui reprĂ©sente nĂ©anmoins plus de 1 000 manquants, morts, prisonniers ou disparus cĂŽtĂ© AlliĂ©s, davantage amĂ©ricains que britanniques. Ă la veille du D Day, les observateurs voient pour un rare moment correspondre le taux estimĂ© de â coups au but â Ă la rĂ©alitĂ©. Câest au prix de la mort de prĂšs de 2 000 civils et cheminots et de la destruction de 14 000 maisons ou immeubles. DU BILAN PROVISOIRE DU 6 JUIN 1944 AU BILAN DĂFINITIF Retarder les transports allemands Le â prix â humain Ă payer est alors considĂ©rĂ© par les Britanniques comme infĂ©rieur aux prĂ©visions, mais les rĂ©sultats des opĂ©rations le sont aussi ils jugent quâelles ne sauraient retarder suffisamment les renforts allemands. Câest pourquoi on passe en juin 1944 Ă des opĂ©rations tactiques, ponctuelles, concernant davantage les ouvrages dâart que les voies elles-mĂȘmes comme les observateurs au sol le demandaient depuis longtemps. Le rendement global du systĂšme ferroviaire français contrĂŽlĂ© par lâAllemagne tombe assez bas pour que le ravitaillement de lâarmĂ©e et de lâorganisation Todt rencontre des difficultĂ©s considĂ©rables pour parvenir dâAllemagne en France, alors que le trafic est encore trĂšs actif Ă la Deutsche Reichsbahn. Les mouvements de troupes postĂ©rieurs Ă lâinvasion du 6 juin subissent des retards importants et des dĂ©routements de plusieurs centaines de kilomĂštres sont imposĂ©s aux troupes en cours de transport par rail12. En fĂ©vrier 1944, lâensemble de lâorganisation des transports allemands en France reprĂ©sente un trafic de 60 Ă 70 trains par jour circulant entre lâAllemagne et les cĂŽtes françaises de Dunkerque Ă Nantes. Ă la fin dâavril, il ne passe plus que 48 trains par vingt-quatre heures. Fin mai, le trafic tombe Ă 32 par jour dont 12 convois de charbon sarrois 20 trains seulement restent disponibles pour la troupe, ce qui suffit en certains cas pour acheminer les renforts. Ici encore, ce ne sont pas les attaques des gares et du matĂ©riel qui ont Ă©tĂ© efficaces, mais les goulets dâĂ©tranglement provoquĂ©s et, surtout, entretenus sur la Seine et la Loire par les attaques des ouvrages dâart. Autres objectifs, qui poursuivent des buts tactiques, sont les mitraillages de convois, bombardements de pleine voie et de petites gares oĂč sont dispersĂ©s les matĂ©riels les reconnaissances aĂ©riennes ont permis aux observateurs de reconnaĂźtre enfin que le matĂ©riel roulant â sensible â trains-parcs, trains de secours13, et surtout locomotives avait Ă©tĂ© dispersĂ© pour le sauver des destructions massives des â nĆuds â ferroviaires14. LâUSAF recommande donc des opĂ©rations multiples et dispersĂ©es, diurnes, Ă basse altitude plutĂŽt que lâĂ©norme gaspillage de moyens que reprĂ©sentent des raids nocturnes â en surface â. Cependant les premiers essais amĂ©ricains Ă partir des bases britanniques, puis ceux depuis lâAfrique du Nord vers la Provence, effectuĂ©s Ă moyenne altitude pour protĂ©ger les appareils, sont tout aussi peu efficaces, quâils sâagisse de leurs rĂ©sultats militaires Ă court terme ou des destructions et pertes de vies civiles. LâincomprĂ©hension des motifs des actions aĂ©riennes domine chez les Âcheminots, alors quâon dĂ©nombre Ă lâĂ©tĂ© 16 600 logements SNCF atteints dont 6 800 sont irrĂ©parables comment les AlliĂ©s articulaient-ils destruction matĂ©rielle Ă long terme et action militaire Ă court terme ? Bien quâils soient frĂ©quemment rĂ©sistants ou quâils appuient la RĂ©sistance, et en contact avec Londres, les cheminots rĂ©agissent brutalement aux bombardements alors quâils se mobilisent pour rĂ©unir des informations Ă propos des armes secrĂštes V1 Ă V3 et des lignes ferroviaires qui permettent leur approvisionnement, ce qui est aussi risquĂ© pour eux. Les actions tactiques complĂ©mentaires Depuis 1942, dâautres actions localisĂ©es ont Ă©tĂ© menĂ©es par des formations plus lĂ©gĂšres, mitraillages ou tentatives pour endommager les installations Ă©lectriques fournissant Ă©nergie et courant de traction. Citons, Ă titre anecdotique, le lĂącher, dĂ©but 1943, de groupes de ballonnets sphĂ©riques traĂźnant des filins dâacier. LancĂ©s depuis la Grande-Bretagne par vent nord-ouest favorable, ils Ă©taient censĂ©s provoquer des courts-circuits des lignes Ă haute tension, voire des ruptures. Les rĂ©sultats Ă©tant ridicules par rapport aux moyens mis en Ćuvre, les AlliĂ©s en reviennent, Ă lâĂ©tĂ© 1943, aux opĂ©rations aĂ©riennes clasÂsiques contre des postes haute tension et des sous-stations. La consommation mensuelle dâĂ©nergie haute tension de la SNCF reste la mĂȘme jusquâen mars-avril 1944 et ne chute vraiment, dans un rapport de 10 Ă 1, que de juin Ă octobre 1944. Les destructions sont moins en cause que la rĂ©duction dĂ©libĂ©rĂ©e des circulations de trains Ă©lectriques. La part des actions sur les postes ou sous-stations lâemporte sur celle des opĂ©rations aĂ©riennes dans les destructions totales, qui restent faibles15. Seule exception, peu comprĂ©hensible, les installations Ă©lectriques de la ligne Paris-Le Mans sont visĂ©es dĂšs le 18 avril 1943 par 650 bombes qui tombent autour des 4 sous-stations successives de Chartres au Mans, dont 2 seulement sont touchĂ©es. La SNCF tire de cet Ă©chec relatif des conclusions qui ne semblent guĂšre comprises Ă Londres, Ă savoir la dispersion, pour les mettre en rĂ©serve, de tous les seconds groupes Ă©lectriques et du matĂ©riel alors difficile Ă rĂ©approvisionner. Câest Ă la suite des incessantes attaques des sous-stations de pleine ligne Ă partir dâavril 1944 jusquâĂ 8, plus 5 mitraillages Ă CondĂ©-sur-Huisne dâavril Ă juillet 1944 et des coupures de catĂ©naires que la SNCF rĂ©duit la traction Ă©lectrique sur cette ligne de mai Ă fin aoĂ»t, entraĂźnant un ralentissement opportun du trafic, y compris militaire. En revanche, sur le rĂ©seau Sud-Ouest, moins systĂ©matiquement visĂ©, bien que les postes dâinterconnexion â Nord â de Chevilly et de Chaingy aient Ă©tĂ© mis en partie hors service dĂšs le 3 octobre 1943 le courant est coupĂ© quelques heures entre Juvisy et les Aubrais, la traction Ă©lectrique est maintenue et la rĂ©paration des catĂ©naires prĂ©cĂšde souvent la rĂ©fection des voies. AprĂšs le 6 juin, les cheminots voient bien lâintĂ©rĂȘt de paralyser, momentanĂ©ment et sans prĂ©avis, ou parfois dĂ©finitivement, la traction Ă©lectrique des lignes susceptibles dâamener des renforts en Normandie, Ă condition de ne pas apporter de dĂ©gĂąts irrĂ©mĂ©diables aux installations. Il fallait adapter les mĂ©Âthodes de sabotage, aviser la rĂ©sistance extĂ©rieure au rail et lâaviation alliĂ©e de cette rĂ©serve. Il Ă©tait suggĂ©rĂ© Ă Londres, pour permettre la reprise rapide du trafic plus tard, de ne plus recourir aux bombardements aĂ©riens aveugles sur les installations de traction Ă©lectrique. RĂ©parer, reconstruire Afin de prĂ©venir de nouveaux dĂ©gĂąts et prĂ©voir lâavenir, tout en essayant de sâassurer des rĂ©serves de matĂ©riel â sensible â ou difficile Ă renouveler, la SNCF dĂ©cide, dĂšs 1943, de crĂ©er 24 â trains-parcs â constituĂ©s dâĂ©quipes de districts Voie, de stocks de secours et de matĂ©riel de dĂ©pannage, de matĂ©riaux empruntĂ©s aux rĂ©serves allemandes bien connues des cheminots. 135 000 journĂ©es dâagents affectĂ©s aux trains-parcs sont utilisĂ©s pour la seule RĂ©gion Ouest dĂšs 1943. Ils remplacent cette annĂ©e-lĂ 60 000 traverses et prĂšs de 100 km de rails sur un total de 150 000 traverses et 186 km de rails pour lâensemble du rĂ©seau. Les Ă©quipes sont prĂȘtes pour 1944, mais sans se douter encore de lâĂ©normitĂ© du travail qui va se prĂ©senter, dâautant plus dĂ©licat Ă mener quâil fallait alors rĂ©parer en provisoire, sans passer de suite au dĂ©finitif. LâACCOMPAGNEMENT DE LA PROGRESSION DES ARMĂES ALLIĂES JUIN-AOĂT 1944 ET LA RECONSTRUCTION PROVISOIRE DES INSTALLATIONS FERROVIAIRES Ouest et rĂ©gion parisienne AprĂšs le 6 juin, les bombardements aĂ©riens prennent de lâampleur, mais prĂ©sentent plus de discernement dans le choix de leurs objectifs. La crainte de lâarrivĂ©e des renforts allemands vers la Normandie impose le maintien du blocus des voies ferrĂ©es dâaccĂšs par la coupure des ouvrages dâart importants des bassins de la Seine et de la Loire, si bien que les opĂ©rations tactiques, Ă effet immĂ©diat, prennent enfin le pas sur les destructions â en surface â des triages, dĂ©pĂŽts et ateliers. Mais le manque de prĂ©cision des bombardiers, enclins par ailleurs aux dĂ©lestages prĂ©maturĂ©s pour mieux manĆuvrer afin dâĂ©viter la chasse adverse, continue de causer des destructions civiles dĂ©sastreuses. Alors que le rythme des bombardements Ă objectifs ferroviaires sâĂ©lĂšve en juin 6 Ă 27 missions par jour et en juillet 3 Ă 20, les opĂ©rations ponctuelles prĂ©dominent. Elles culminent en aoĂ»t 36 le 7 aoĂ»t, et 44 le 13 avec une majoritĂ© dâattaques et mitraillages de trains ou de petites gares, y compris les installations en voie mĂ©trique du Blanc-Argent, des CĂŽtes-du-Nord ou du Petit Anjou ! Il est vrai quâĂ haute vitesse, en altitude, lâĂ©chelle est difficile Ă apprĂ©cier16. Sây ajoutent les bombardements â lourds â multipliĂ©s jusquâau succĂšs visant Ă dĂ©truire les ponts et viaducs. Les rĂ©sultats sont spectaculaires et moins meurtriers. Citons OrlĂ©ans et le pont sur la Loire, Cinq-Mars-la-Pile, Saint-CĂŽme prĂšs de Tours, les ponts de la VendĂ©e et de Pirmil Ă Nantes, atteints en juin et juillet 1944. De mĂȘme, tous les ouvrages de la Seine, depuis ceux de la Grande Ceinture Athis, 5 fois bombardĂ© du 27 mai au 8 juin ; Maisons-Laffitte, 6 fois du 26 mars au 24 juin ; cependant les plus grandes brĂšches nâaffectaient souvent quâune demi-largeur, si bien que les militaires ont pu utiliser la Grande Ceinture de façon permanente comme grande ligne de rocade17. Ce fait, ignorĂ© des AlliĂ©s jusquâĂ ce quâils en profitent Ă leur tour, rendait en partie inutile la destruction des ponts sur la Seine. Dâailleurs, sauf les exceptions mentionnĂ©es ici, la quasi-totalitĂ© des grands ouvrages dâart de la SNCF qui ont Ă©tĂ© dĂ©truits complĂštement et durablement lâont Ă©tĂ© par le gĂ©nie militaire allemand en retraite, non par lâaviation. Provence et zone du RhĂŽne au Rhin juin-juillet 1944 Bien que nous ayons dĂ©jĂ signalĂ© les essais de coupure du trafic vers lâItalie Ă Modane RAF et sur la ligne de cĂŽte RAF et USAF dâAnthĂ©or Ă Vintimille, les AlliĂ©s nâavaient guĂšre affaibli le trafic militaire ou dâintendance vers le front italien, qui atteignait plus de 20 000 t/jour, dont 14 000 par la cĂŽte. Les objectifs ferroviaires en Provence ne sont donc dĂ©voilĂ©s que fin mai. Les AlliĂ©s privilĂ©gient les opĂ©rations de jour, par lâUSAF Ă partir du 25 mai sur Carnoules et Badan 34 et 38 morts, VĂ©nissieux et AmbĂ©rieu. Suivent, quelques jours aprĂšs, Arles, puis Toulon, Montpellier, BĂ©ziers, surtout Avignon 27 mai avec 525 morts, soit autant que Coventry en 1940, la â rĂ©fĂ©rence â anglaise. Câest, aprĂšs une courte accalmie, le 12 juillet, encore Miramas, Arles et Balaruc, Cannes-la-Bocca, La Seyne ; le 2 aoĂ»t, encore Avignon ; le 6 aoĂ»t se renouvelle le malheureux raid de Lyon-Vaise et Croix-Rousse, Chasse, Badan, Valence, Tarascon, encore Miramas, ne laissant plus de doutes sur le dĂ©barquement de Provence et la remontĂ©e prĂ©vue ensuite des troupes par la vallĂ©e du RhĂŽne, vers le Rhin. LâUSAF va alors Ă©viter, en principe, de prendre pour objectif la rĂ©gion lyonnaise et les lieux tragiques que sont dĂ©sormais Saint-Ătienne qui a comptĂ© le 26 mai un maximum de 1 084 morts civils et 15 000 sinistrĂ©s sans destructions dâinstallations ferroviaires, Lyon-Mouche 63 morts, mais surtout Lyon-Vaise, toujours le 26 mai, avec 717 morts, 1 129 blessĂ©s et 20 000 sinistrĂ©s, pour un rĂ©sultat bien maigre, puisque sont atteints un dĂ©pĂŽt et des voies de garage de seconde importance, situĂ©s dans une zone trĂšs urbanisĂ©e. â Sacrifices Ă©normes pour rĂ©sultats insignifiants â, indique le cĂąble du chef rĂ©gional FFI adressĂ© Ă Alger. A-t-il atteint les responsables de la 15e USAF ? Nous lâignorons, puisque, par exemple, Lyon-Vaise est encore â revisitĂ© â le 6 aoĂ»t avec autant dâinconscience. Ce sinistre 26 mai, lâUSAF manque les faisceaux de la Buisserate Ă Grenoble 37 morts. Pire encore, Ă ChambĂ©ry, 72 Liberators totalisent 120 morts pour 400 impacts, dont 80 seulement touchent les emprises SNCF, le reste causant 3 000 sinistrĂ©s. Ă Nice Saint-Roch, toujours ce fatidique 26 mai, on compte, pour 180 impacts, 384 morts et 5 600 sinistrĂ©s, pour la destruction de â seulement â 159 wagons et 5 locomotives, mais aussi de 30 tramways, sans parler dâun train civil atteint sur le pont du Var, avec 52 morts et 58 blessĂ©s. Ă croire que les aviateurs de la 15e USAF venant dâAfrique du Nord Ă©taient vraiment des dĂ©butants inconscients, ou incapables, dâautant que la chasse adverse et la dĂ©fense anti-aĂ©rienne nâĂ©taient pas au rendez-vous de ces opĂ©rations, contrairement au Nord-Ouest de la France. Il ne leur reste aucune excuse pour ces lĂąchers incohĂ©rents, criminels et sans commentaires ÂultĂ©rieurs⊠Mais les sentiments antibritanniques de la population augmentent dĂšs le lendemain, 27 mai, Ă Marseille, Ă tort, puisque câest encore lâUSAF-15 qui, avec moins de 120 appareils, Ă 4 000 m dâaltitude, saupoudre certes les gares Saint-Charles et Blancarde de 100 bombes, mais aussi la ville et ses banlieues de plus de 700 autres bombes, lui confĂ©rant le triste privilĂšge du record absolu de victimes en un seul raid avec 1 752 morts recensĂ©s, 18 000 sinistrĂ©s, et des dĂ©gĂąts, lĂ encore, insignifiants portĂ©s aux installations ferroviaires, visĂ©es ou non, port, gares et dĂ©pĂŽts compris. LâĂ©tat des lieux jusquâĂ fin aoĂ»t 1944 et la nĂ©cessaire reprise des transports par rail Les attaques aĂ©riennes sâarrĂȘtent Ă la fin du mois dâaoĂ»t 1944, le 18 pour les bombardements majeurs. Le bilan des destructions a Ă©tĂ© dressĂ© par la SNCF plus tard. Il arrĂȘte les comptes â Ă la LibĂ©ration â, date qui nâĂ©tait pas la mĂȘme pour les zones successivement libĂ©rĂ©es, allant de dĂ©but juillet en Cotentin et Normandie au 9 mai 1945 sic pour la â poche â de Dunkerque. DĂšs le 31 mai 1944, R. Le Besnerais constatait que 29 triages sur 53 sans lâAlsace-Lorraine Ă©taient inutilisables, 70 dĂ©pĂŽts sur 167, 3 grands ateliers sur 9. Ce qui explique, en partie, une baisse de trafic de moitiĂ© par rapport aux mois de janvier Ă mars. Certes, les difficultĂ©s de circulation, auxquelles commencent Ă sâajouter les coupures dâouvrages dâart, rĂ©duisent trĂšs fortement les circulations voyageurs 20 % des valeurs 1938. Le trafic ÂmarÂchandises, transports allemands compris, est encore de prĂšs de 100 000 waÂgons chargĂ©s par semaine, contre 188 000 en janvier et 232 000 en 1943. Pour sa part, le trafic militaire allemand, prioritaire, dĂ©passe encore la moitiĂ© des prĂ©visions sur la rĂ©gion Ouest, il reprĂ©sente 78 % du trafic sur le Sud-Est et 82 % sur le Sud-Ouest. Mais le chiffre du Nord, 21 % seulement, semble indiquer les effets de lâopĂ©ration de dissuasion Fortitude. En effet, ces actions se conjuguent par hasard avec les opĂ©rations Crossbow dĂ©cidĂ©es en consĂ©quence des craintes britanniques de reprĂ©sailles. Grandissantes, Ă juste titre, jusquâĂ la mi-juin, elles entraĂźnent des actions continuelles sur les voies ferrĂ©es dâalimentation des trĂšs nombreuses bases de lancement des V1 350 prĂ©vues, 100 rĂ©alisĂ©es. Plusieurs milliers de ces bombes volantes, Ă partir du 13 juin et durant tout lâĂ©tĂ©, survolent en effet le â dĂ©troit â de la Manche vers Londres. Les actions prĂ©ventives ou rĂ©pressives contre ces armes nouvelles, jusquâalors sporadiques tant quâelles Ă©taient en construction, vont occuper dĂ©sormais les unitĂ©s â tactiques â autant que le Bomber Command. Les opĂ©rations dites tactiques sont effectuĂ©es par de petits groupes de 3 ou 6 bombardiers moyens bimoteurs. Depuis les tentatives de 1943, ils sont moins utilisĂ©s pour des objectifs ferroviaires, sauf en reconnaissance ou encore, Ă partir de mai 1944, pour le harcĂšlement, avec mitraillage, de tout convoi surpris en route, y compris ceux des chemins de fer Ă©conomiques aprĂšs la Normandie, la Somme et le Pas-de-Calais. Sous le nom code de RAMROD, la RAF, avec des Spitfire adaptĂ©s, Ă©quipĂ©s de roquettes aussi bien que de bombes, avait entrepris des opĂ©rations en piquĂ© Ă moyenne altitude 3 000 Ă 1 200 m environ plus prĂ©cises que les prĂ©cĂ©dentes sur des objectifs ferroviaires18. Bien que ces raids soient ineffiÂcaces dĂšs que la couche nuageuse est importante, la moyenne statistique dĂ©montre quâils sont plus prĂ©cis et mettent moins en danger Ă la fois les Ă©quipages et les civils ou cheminots travaillant au voisinage des coups au but. Avant mĂȘme le dĂ©barquement du 6 juin, non moins de 1 284 bombardements aĂ©riens ont frappĂ© 793 localitĂ©s en France, dont 363 attaques aĂ©riennes dâinstallations ferroviaires, ce qui est encore peu en comparaison des 800 raids encore Ă venir jusquâĂ fin aoĂ»t. Les pertes humaines du cĂŽtĂ© des cheminots, malgrĂ© la reprise des mitraillages de convois, sont, bien quâĂ©leÂvĂ©es, proportionnellement trĂšs faibles par rapport Ă celles des â civils â. Pour les cinq premiers mois de 1944 et plus de 232 raids, 470 cheminots sont morts et 1 100 autres blessĂ©s par faits de guerre en service. De 1941 Ă 1943 on avait comptĂ© 464 cheminots et 2 000 civils tuĂ©s pour moins de 80 raids. Mais Ă partir de mars 1944 les bombardements â de surface â vont faire dix fois plus de morts civils encore autour dâobjectifs ferroviaires. Des destructions mieux ciblĂ©es â mais beaucoup moins nombreuses â causent des pertes rĂ©duites, ce qui dĂ©montre bien les rĂ©sultats hasardeux des bombardements â de surface â. De plus, la hĂąte des occupants Ă reconstruire au plus vite un passage, mĂȘme Ă voie unique, dans les zones sinistrĂ©es, soit environ 200 km de voies Ă reconstruire, requiert un nombre de plus en plus important de personnel pour travailler sur des chantiers Ă trĂšs haut risque des bombes Ă retardement ayant parfois explosĂ© cinquante jours aprĂšs le raid. Ce qui conduit la direction gĂ©nĂ©rale de la SNCF a Ă©crire fin juin 1944 au ministre de tutelle secrĂ©taire dâĂtat Ă la Production industrielle et aux Communications, Ă lâintention des autoritĂ©s allemandes HVD, que ⊠tout rĂ©cemment, plusieurs RĂ©gions ont reçu presque simultanĂ©ment de la part des AutoritĂ©s dâOccupation des ordres formels leur enjoignant dâaugmenter dâurgence leurs effectifs, de maniĂšre Ă remettre complĂštement en Ă©tat un certain nombre de grands triages pour lesquels le programme Ă©tabli en commun ne prĂ©voyait que le rĂ©tablissement minimum des voies indispensables. Sur certains points, des requis civils ont Ă©tĂ© envoyĂ©s dâoffice par ces AutoritĂ©s dâOccupation en vue des travaux en question. Sâensuivent des considĂ©rations sur lâincapacitĂ© de la SNCF, devant une telle demande, Ă dĂ©passer le niveau prĂ©sent des effectifs sur les chantiers de rĂ©tablissement des circulations, â effectif dâouvriers de toutes conditions dĂ©passant 40 000 hommes â19. La lettre demande en conclusion que lâon renonce aux mesures envisagĂ©es20. Nous ignorons la suite donnĂ©e Ă cette requĂȘte, dont la satisfaction eĂ»t Ă©tĂ© de toute façon sans effet en juillet-aoĂ»t 1944. Les AlliĂ©s prĂ©voyaient dâutiliser pour leur part ces moyens dispersĂ©s, nĂ©cessaires Ă leur progression de Cherbourg Ă Carentan, Le Mans et Paris. Comme la reconnaissance aĂ©rienne leur permettait dâĂȘtre informĂ©s du progrĂšs des travaux, aucune directive de sabotage ferroviaire ne fut donnĂ©e Ă la rĂ©sistance active, sauf dans les zones de retraite des armĂ©es allemandes aprĂšs le mois dâaoĂ»t. Ce qui nâempĂȘcha pas la destruction des ouvrages par les Allemands en retraite, beaucoup plus mĂ©thodique et radicale que celle effectuĂ©e par les Français en 1940. Câest sans doute pourquoi, selon les relevĂ©s quotidiens de juillet et aoĂ»t 1944 que nous possĂ©dons pour le Sud-Ouest, les actions aĂ©riennes, bien que plus nombreuses encore quâen juin jusquâĂ 45 opĂ©rations par jour, jusquâĂ 10 au seul rĂ©seau Sud-Ouest ne sont-elles plus que des attaques locales, spĂ©cifiques, de trains en circulation le plus souvent, effectuĂ©es par un groupe dâavions ou des appareils isolĂ©s. Les grosses attaques â de surface â concernent les gares dâapprovisionnement en armes V1 et V2 du Nord-Ouest de la France. Au 31 aoĂ»t 1944, les chantiers avaient dĂ©jĂ reçu plus de 16 600 t de Âbombes, en 94 raids depuis 1943, dont 15 opĂ©rations avec les â Tallboys â de 5,4 t21. Le bilan global, fin 1944 Le bilan global ne sâest alourdi cependant que modĂ©rĂ©ment, et la paralysie complĂšte du rĂ©seau ferrĂ© voulue par les cheminots, fin aoĂ»t, dans les rĂ©gions encore en pleine guerre permet aussi dâĂ©viter de nouveaux bombardements lourds. Deux exceptions sont constituĂ©es par la RĂ©gion Est, oĂč se reportent les opĂ©rations liĂ©es au repli allemand, et les â poches â qui provoquent de nouvelles victimes civiles inutiles, dont des cheminots. Ces pertes sont les plus lourdes quand on les compare Ă la valeur stratĂ©gique rĂ©elle des lieux visĂ©s, qui avait Ă©tĂ© exagĂ©rĂ©e par les Ă©tats-majors, coupables dâune erreur dâapprĂ©ciation. Nous voulons citer ici, par devoir de mĂ©moire, outre les quelques 12 000 morts dĂ©jĂ atteints sur des objectifs strictement ferroviaires, les civils du Havre, de Royan, mais aussi de Boulogne et Calais, cette derniĂšre ayant le triste privilĂšge dâun bombardement â ami â, par erreur, en fĂ©vrier 1945 97 morts au lieu de Dunkerque qui Ă©tait visĂ©. Ici, il nây eut aucune â repentance â, ni indemnitĂ©s posthumes. Et câest pourquoi, fin 1945, une Ă©tude amĂ©ricaine citĂ©e entre autres par E. Florentin basĂ©e sur les premiers bilans de destructions, ceux mis Ă leur disposition par la SNCF, conclut tardivement que â les attaques prĂ©cĂ©dant le D. Day contre les triages français nâĂ©taient pas nĂ©cessaires, les 70 000 t dâexplosifs qui y ont Ă©tĂ© dĂ©versĂ©es auraient pu ĂȘtre affectĂ©es Ă dâautres cibles â22. Nous nâen voulons pour preuve que les statistiques gĂ©nĂ©rales qui collaÂtionnent les donnĂ©es transmises par les RĂ©gions SNCF et les arrondissements, indiquant par exemple lâĂ©volution du parc disponible dâengins moteurs ou celui du matĂ©riel roulant marchandises. MalgrĂ© une Ă©norme rĂ©duction, de 217 000 wagons encore thĂ©oriquement au parc dĂ©but mai 1944 Ă moins de 174 000 en septembre, lâeffectif disponible pour des transports militaires Ă©tait acceptable et nâa pas entravĂ© au degrĂ© souhaitĂ© le repli des armĂ©es allemandes vers lâEst. Les photos aĂ©riennes alliĂ©es de reconnaissance qui ont identifiĂ© de tels trains en tĂ©moignent. Les AmĂ©ricains, en aoĂ»t dans le Cotentin, ont utilisĂ© en prioritĂ© du matĂ©riel SNCF disponible, heureux de retrouver des locomotives Baldwin ou Alco de⊠1918. MĂȘme si lâon prend en compte les indisponibilitĂ©s ou avaries dues aux bombardements aĂ©riens et aux Âtransferts en Allemagne, les 74 000 ou 76 000 wagons â manquant â au parc hors Alsace-Lorraine ne reprĂ©sentent â que â 30 % du parc total, alors que les transports militaires nĂ©cessitent 20 Ă 25 % des wagons du parc utilisable. Ce qui montre bien, une fois de plus, lâineptie de la â stratĂ©gie â de destruction des triages et des matĂ©riels garĂ©s sur leurs voies et, le plus souvent, vides. Les transports militaires alliĂ©s de lâhiver 1944 nâont que peu manquĂ© de wagons et de locomotives, dâautant que le trafic entre les ports et les fronts ne dĂ©passait guĂšre le million de tonnes mensuelles les 500 locomotives dĂ©barquĂ©es dĂšs fin aoĂ»t Ă Cherbourg, puis les quelques milliers de wagons en â kit â, ou montĂ©s qui les suivent permettent alors de passer de 12 000 t transportĂ©es quotidiennement pour les AmĂ©ricains en octobre Ă 15 000 t en dĂ©cembre et de multiplier par 8 les trains-kilomĂštres. Ce qui ne reprĂ©sente guĂšre plus de 30 trains de 1 000 t brutes, soit 2 trains par heure au plus. Mais la limite de capacitĂ© est celle des lignes Ă voie unique, dâoĂč lâintĂ©rĂȘt pour les AlliĂ©s de remettre en service des doubles voies Ă©lectrifiĂ©es⊠ce qui est fait dĂšs mi-novembre pour Paris-Le Mans23 alors que le 1er train venant de Cherbourg arrivait aux Batignolles le 30 aoĂ»t 1944 !. Pour les lignes de la vallĂ©e du RhĂŽne il en est de mĂȘme. La liaison Aix-en-Provence â Grenoble est ouverte immĂ©diatement derriĂšre la progression des troupes dĂšs le 15 septembre Ă Sisteron, et le 25 septembre est ouverte la ligne de la rive gauche du RhĂŽne jusquâĂ Lyon, de mĂȘme que Valence-Grenoble. Le rail suit donc bien les troupes, en lâabsence de toute rĂ©action ennemie. POUR FINIR QUELLE LEĂON Ă TIRER DES BOMBARDEMENTS DE VOIES FERRĂES ? On sait que malgrĂ© les ruines, qui dĂ©passent lâimagination, des villes rasĂ©es par lâaviation alliĂ©e outre-Rhin depuis 1942, la production allemande industrielle de guerre a atteint des sommets⊠en 1943-1944. Alors que la France comptait pĂ©niblement 6 000 Ă 7 000 locomotives en Ă©tat de marche fin 1944, lâAllemagne en disposait de 36 000, dont prĂšs de 11 000 Kriegsloks neuves, type 150 Ă vapeur, puissantes et robustes, aptes au trafic lourd ou militaire, et ce nâest quâun exemple. Faut-il conclure que les bombardements aĂ©riens ont toujours Ă©tĂ© un Ă©chec ? Certainement pas si nous considĂ©rons globalement leur rĂŽle dans la prĂ©paration et le succĂšs du dĂ©barquement et, surtout, lâappui tactique quâil ont donnĂ© au sol Ă la progression des troupes. Il est inutile, en revanche, de revenir sur les insuffisances de lâaviation qui devait poursuivre Ă titre â tactique â le harcĂšlement nĂ©cessaire Ă la fixation des troupes allemandes au jour â J â du dĂ©barquement en Normandie. Il est vrai que lâoffensive fut lâenjeu de luttes intestines, dâoĂč lâincohĂ©rence apparente des opĂ©rations menĂ©es sur les cibles ferroviaires et les lourdes erreurs quâelle a parfois entraĂźnĂ©es. Ce nâest certainement pas en annihilant les gares, les citĂ©s cheminotes et le matĂ©riel roulant de la SNCF Ă ce moment-lĂ que le cours de la guerre a changĂ© ; et le rĂ©sultat obtenu ne peut faire oublier la mort de 78 000 innocents en France, dont 15 000 sur des sites ferroviaires voir tableau 1. AprĂšs la bataille du rail, les cimetiĂšres alliĂ©s Selon les sources officielles, la RAF a perdu 8 655 avions en cours dâopĂ©ration, plus 1 600 en cours dâentraĂźnement ou portĂ©s disparus. LâUSAF en a perdu 9 466 en tout. En hommes dâĂ©quipage, cela signifie 74 000 pour la RAF, dont 55 750 morts au combat ou par accident. Pour lâUSAF, les 8e et 15 e Air Force qui nous intĂ©ressent ici ont perdu environ 30 000 hommes, au total 47 000 avec 4 750 avions perdus sur 12 731 utilisĂ©s, soit 37 % des B17, taux qui semble supĂ©rieur Ă celui de la RAF. Le choix des AlliĂ©s, si tant est que ce fut un choix, pour les bombardiers lourds, leur a coĂ»tĂ© au total plus de 100 000 hommes jeunes et entraĂźnĂ©s24. Ătait-ce un sacrifice inĂ©vitable ? Le sujet reste encore contestable puisque des questions fondamentales ne trouveront de rĂ©ponse quâavec lâaccĂšs Ă certaines archives britanniques papiers Churchill et Lindeman lord Cherwell, soit seulement Ă partir de 2019. Ă une Ă©poque oĂč les acteurs ou tĂ©moins revendiquant chacun â leur â version de lâhistoire auront disparu, le sujet pourra peut-ĂȘtre, enfin, ĂȘtre abordĂ© sans a priori ni appel aux Ă©motions vĂ©cues25. â LâefficacitĂ© de lâimpact direct lâemporte sur le tapis de bombes â câest lâavis des analystes, anciens ou actuels, de la stratĂ©gie comparĂ©e Ă la tactique, en ce domaine sensible et difficile oĂč la technique a Ă©voluĂ© plus vite que la rĂ©flexion26. Il est regrettable que ces leçons durement acquises nâaient pas empĂȘchĂ©, depuis lors, dâillusoires attaques du rail en Europe. Lâhistoire reconnue, analysĂ©e et comprise sans passion reste encore Ă apprendre par les pouvoirs, qui ignorent trop ses leçons. _______________ 1. Les forces aĂ©riennes françaises disposaient en 1940, avant les constructions dĂ©cidĂ©es par R. Dautry, de moins de 500 chasseurs modernes, et dâaucun bombardier rĂ©cent. La production prĂ©vue Ă©tait de 400 appareils nouveaux par an. Les Britanniques en Ă©taient au mĂȘme point avec une production prĂ©vue annuelle de 220 bombardiers. Mais ils nâen disposaient dâaucun en France, et de 130 chasseurs seulement. Au total, alors que les Allemands disposaient de plus de 1 500 bombardiers et de 1 000 chasseurs lors de la campagne de France, les AlliĂ©s ne totalisaient que 700 appareils, toutes catĂ©gories confondues. Quant aux chasseurs bombardiers capables dâattaques en piquĂ©, 342 Allemands sâopposaient Ă 54 Français et aucun Anglais voir bibliogr. [15]. 2. Boulogne-sur-Mer a vu 52 attaques aĂ©riennes se succĂ©der sur le port et les installations ferroviaires, du 12 juin 1940 Ă fin 1941. Mais le premier raid contre une gare SNCF se place le 4 avril 1942 Ă Saint-Omer, oĂč 12 Boston et 4 Wellington obtiennent un effet heureusement nul sur la gare, bĂątiment patrimonial, mais avec dĂ©jĂ des morts civils. De nouvelles attaques suivent donc. La RAF sâessaie aussi, toujours en vain, sur Cherbourg 15 avril 1942, Hazebrouck 13 avril et 29 juin 1942 et mĂȘme Lille 20 juillet 1942, opĂ©rations suivies dâun rĂ©pit de prĂšs de six mois. 3. Voir Florentin [1] et Regan [17], confirmant les dĂ©clarations peu nuancĂ©es de Hastings [11]. Voir aussi Jones [14]. 4. Comme il en existe encore des vestiges de nos jours, Ă Narbonne ou Dijon par exemple, avec la fonction de magasin pour matiĂšres dangereuses ! Signalons la tentative dâinstallations protĂ©gĂ©es beaucoup plus complĂštes, et complexes, dont lâabri de poste de commandement et rĂ©gulation du trafic Est parisien dĂ©nommĂ© de nos jours le â Bunker â rĂ©alisĂ© en juillet 1939 sous les quais 2 et 3 de la gare de lâEst Ă Paris. Cet abri de dĂ©fense unique sur le rĂ©seau français, qui fut opĂ©rationnel, offrait 120 mÂČ protĂ©gĂ©s, et pouvait abriter 72 personnes. 5. La plupart des objectifs du rail français, sauf au Nord, Ă©taient assez Ă©loignĂ©s des terrains de la chasse de nuit allemande et surtout restaient en avant de la cĂ©lĂšbre â ligne Kammhuber â, barrage dâinterception combinant radars, projecteurs et contrĂŽle des chasseurs de nuit, trĂšs redoutĂ© des bombardiers alliĂ©s, dont seuls les secteurs marginaux sud, dits zones 7, 8 et 9, intĂ©ressaient la France, de Givet Ă Troyes par Rethel. De jour, bien des cibles Ă©taient proches de terrains actifs comme Laon 2 terrains de chasse, Cambrai 3, Longueau 2, Caen 2, sans parler des 64 terrains du Nord et de la Picardie ou de lâOise. Ce fut, en partie, Ă lâorigine des dĂ©sastres de Rennes, Rouen, Lille-Lomme. Citons, plus tard, en 4 opĂ©rations avec 617 appareils, les pertes de 19 avions et plus de 150 hommes dâĂ©quipage dans la nuit du 10 au 11 avril 1944, sur Tours-Saint-Pierre, Tergnier, Laon et Aulnoye. Ces 3 % de pertes sâaccompagnent Ă©videmment dâun nombre anormalement Ă©levĂ© de bombes dispersĂ©es en dehors des objectifs. 6. Il semble, aujourdâhui encore, difficile Ă concevoir que les ordres de formation des vagues de bombardiers sur raids ferroviaires comportaient 7 Ă 12 appareils de front, soit une couverture dâau moins 500 Ă 800 m, pour atteindre, en long, des gares de largeur allant de 100 m Ă 300 m au plus⊠MĂȘme en cas de faible vent latĂ©ral, la surface â arrosĂ©e â est toujours au moins le double de celle des objectifs correctement ciblĂ©s. De plus, dans le cas de vagues successives, si les premiers lĂąchers sont bien marquĂ©s, la fumĂ©e obscurcit complĂštement lâobjectif, et dĂšs la 3e il y en avait jusquâĂ 10 ! les lĂąchers Ă©taient faits au jugĂ© et au plus vite. On constate dâailleurs des rĂ©sultats encore plus mauvais si lâattaque est perpendiculaire Ă lâobjectif exemples du viaduc dâAnthĂ©or et de certains ponts sur la Seine et la Loire. 7. Voir [23]. 8. Voir [11]. 9. Un des griefs les plus rĂ©pĂ©tĂ©s des informateurs alliĂ©s Ă©tait lâabsence de prise en considĂ©ration des rapports du sol par les Ă©tats-majors des forces aĂ©riennes. On constate mĂȘme avec surprise, connaissant lâexistence de telles observations, et la certitude de leur transmission, lâabsence de leur mention par les War Diaries Âde la RAF agendas de combat et bombardements, publiĂ©s en 1985 seulement, voir bibliogr. [13]. Plus curieusement encore, dans le cas dâopĂ©rations ayant mal tournĂ©, il semble quâau lieu des rapports prĂ©cis et souvent protestataires, Ă©manant dâagents britanniques travaillant en France avec la RĂ©sistance, on trouve seulement la mention â Pas de rapport local Ă©manant du sol. â Câest le cas des raids les plus meurtriers de civils, comme Rennes, Nantes, Rouen, Lille, Saint-Ătienne, Besançon, Lyon-Vaise. Une exception AmbĂ©rieu, oĂč, aprĂšs une premiĂšre attaque inutile, la RĂ©sistance obtient de Londres lâarrĂȘt des raids aĂ©riens, aprĂšs avoir fait la preuve de lâefficacitĂ© locale des sabotages, qui avaient coĂ»tĂ© de nombreux otages et dĂ©portĂ©s. 10. Une exception due au hasard est le cas de la gare de triage de Vaires oĂč un convoi de munitions stationnĂ© parallĂšlement Ă des trains de troupes a provoquĂ© la mort de 1 200 Ă 1 300 militaires lors de la premiĂšre attaque des 29-30 mars 1944. Des hĂ©catombes analogues, avec destructions importantes de matĂ©riel de guerre, ont eu lieu plus tard, au voisinage des ponts sur la Seine, lors du repli des troupes allemandes de Normandie ou lors dâattaques des trains de V1 oĂč 33 wagons Ă©quivalaient Ă prĂšs de 100 bombes de 1 t. Mais câĂ©tait alors le fait des chasseurs-bombardiers tactiques attaquant en piquĂ© Ă moyenne altitude, et non des Âquadrimoteurs lourds et malhabiles du Bomber Command ou de lâUSAF. 11. La masse de matĂ©riel neuf ou de remplacement demandĂ© reste dans des limites encore trĂšs raisonnables jusquâen mai. Une preuve en est la demande de la SNCF Ă la â Hauptverkehrsdirektion Paris â 29, rue de Berri â dâun contingent dâacier pour rĂ©parer certaines installations en fĂ©vrier 1944, alors estimĂ©es prĂ©cisĂ©ment Ă 277 t seulement outre 38 t dĂ©jĂ obtenues, pour couvrir les rĂ©parations de Mohon, Chaingy, Chevilly, Persan Beaumont, Sotteville ateliers, Tergnier 145 t Ă lui seul et mĂȘme les ponts sur le Doubs, Ă Lyon et au Teil faits de rĂ©sistance pour 40 t⊠Par prĂ©vision, un supplĂ©ment de 500 t seulement est demandĂ©, alors que plusieurs milliers de tonnes vont ĂȘtre bientĂŽt nĂ©cessaires. 12. Telle la 4e division blindĂ©e dont les trains pour venir de Gand en Normandie font quatre dĂ©tours et mettent dix jours au lieu de trois Ă quatre pour couvrir le trajet. Un officier dâĂ©tat-major allemand, chargĂ© jusquâĂ la fin dâoctobre 1944 des transports sur le front de lâOuest, a dĂ©clarĂ©, aprĂšs avoir Ă©tĂ© fait prisonnier â Des mouvements qui devaient ĂȘtre effectuĂ©s Ă la cadence quotidienne de 10 Ă 12 trains ne se faisaient plus quâau taux de deux Ă trois par jour. â 13. Ou â trains de travaux â, trains de secours dĂ©pendant du Service Voie et BĂątiments, composĂ©s de voitures amĂ©nagĂ©es pour hĂ©berger le personnel dâun chantier, de wagons ateliers pourvus de lâoutillage nĂ©cessaire et de wagons magasins chargĂ©s de matĂ©riaux. PrĂ©vus en service normal pour effectuer des travaux ou des rĂ©parations en cas de catastrophe naturelle ou dâaccident, la SNCF en maintenait 1 Ă 2 par grande rĂ©gion. Ce nombre a Ă©tĂ© multipliĂ© par 3 Ă partir de 1943. 14. On retrouve alors facilement sur les Ă©tats ou relevĂ©s SNCF un nombre Ă©levĂ© dâengins garĂ©s, ou en rĂ©paration, dans les remises ou ateliers de dĂ©pĂŽt, ceux actifs Ă©tant dispersĂ©s, surtout de nuit, en de multiples lieux plus discrets. 15. Lâensemble des lignes Ă haute tension SNCF de 60 kV Ă 220 kV avariĂ©es par faits de guerre reprĂ©sentent 1 236 pylĂŽnes et 225 km de ligne Ă rĂ©parer, soit moins de 5 % du rĂ©seau Ă©lectrifiĂ©, alors de 4 872 km. 16. Nous nâen citerons, comme preuve antĂ©rieure, que lâattaque en 1940 par la Luftwaffe du cĂ©lĂšbre train miniature britannique cĂŽtier Romney Hythe and Dimchurch Railway dans le Kent. Ă lâĂ©chelle 1/4 de voie de 38 cm, il va devoir sâĂ©quiper dâun train blindĂ© anti-aĂ©rien pour rĂ©pondre aux attaques de pilotes un peu myopes⊠Mais, en France, presque toutes les voies Ă©troites, en zone de bataille ou non, seront souvent confondues avec des voies Ânormales. 17. Se reporter Ă lâarticle â Ouvrages dâart de la Grande Ceinture â par M. Leduc, Revue gĂ©nĂ©rale des chemins de fer du 11 dĂ©cembre 1945, Ă©galement mentionnĂ©s dans le film La renaissance du rail 1947 dâA. PĂ©riĂ© et M. Leduc produit par la SNCF. On constatera le peu dâattaques des ouvrages dâart jusquâen juin 1944. MĂȘme aprĂšs que des ponts sur la Seine infĂ©rieure et la Loire ont Ă©tĂ© visĂ©s, ceux qui sont touchĂ©s par des attaques aĂ©riennes le sont Ă cause dâautres objectifs par exemple, le viaduc de Maintenon, Ă cause du dĂ©pĂŽt de munitions voisin. Citons enfin le cas exemplaire de Bielefeld en Allemagne, ou le viaduc systĂ©matiquement bombardĂ© Ă de trĂšs nombreuses reprises, y compris avec â Tallboys â de 5,4 t, Ă©tait, depuis les premiĂšres attaques, court-circuitĂ© par une dĂ©viation en vallĂ©e, extrĂȘmement bien camouflĂ©e, qui a pu Ă©chapper Ă lâobservation aĂ©rienne, et assurait la continuitĂ© dâune des principales artĂšres de la Ruhr dĂ©but 1945. Une situation analogue a existĂ© en France lors de la destruction du tunnel de Saumur, Ă©galement par les premiers â Tallboys â, grĂące Ă la dĂ©viation de Thouars Ă Tours via la ligne dite de la VendĂ©e, et les ponts du Cher et de la Loire encore praticables. 18. On peut citer comme exemple le raid 921 du 25 mai 1944 sur Longueau et Amiens qui a impliquĂ© 36 Spitfire, dont 26 chasseurs-bombardiers pourvus chacun dâune seule bombe de 500 livres. Sept autres centres ferroviaires Ă©taient visĂ©s ce jour-lĂ dans le Nord, lâOise, la Seine-InfĂ©rieure. En employant la mĂȘme tactique que pour les sites de V1, lâopĂ©ration fut au moins aussi efficace en coups au but 12 sur 26 que des vagues massives de 150 ou 200 bombardiers lourds. Cependant, les autres opĂ©rations ne sont pas toujours payantes ce mĂȘme jour, les attaques de Spitfire ou Typhoon sur ArmentiĂšres et Hazebrouck, Buchy, Gisors, Formerie, Motteville et Cassy dont 4 gares en substitution aux objectifs couverts de nuages de Valenciennes et du Grand Verdret, soit, au total, 133 appareils, se solderont par 157 bombes lĂąchĂ©es, entre 1 200 et 1 800 m, et moins de la moitiĂ© au but. Ce qui nâest toujours pas si mal, puisque, malgrĂ© la DCA parfois trĂšs active Gisors, 2 appareils seulement sont touchĂ©s. 19. Un effectif qui varie en fait de 36 000 Ă 65 000, Ă comparer avec le maximum de 11 000 ouvriers spĂ©cialisĂ©s, SNCF et dâentreprises, ayant reconstruit les ponts et tunnels de 1940 Ă 1942. 20. â Dâautre part, il est Ă craindre que le rĂ©tablissement de tels triages dans leur intĂ©gritĂ© ne provoque de nouvelles destructions rendant vains et par suite inopportuns les efforts que nous aurons fournis et provoquant de nouvelles pertes de matĂ©riel. Les AutoritĂ©s dâOccupation paraissaient avoir compris, comme nous-mĂȘmes, lâinopportunitĂ© de tels efforts et nous avaient autorisĂ©s Ă entreprendre certains travaux en vue dâassurer une dispersion de nos moyens de triage dans des Ă©tablissements moins importants ; une partie de ces travaux est dĂ©jĂ rĂ©alisĂ©e. â 21. [8]. 22. [23, 27]. 23. AprĂšs leur blocage de quelques semaines dans la pĂ©ninsule de Cherbourg, puis la reddition des Allemands, les AmĂ©ricains y ont trouvĂ© en Ă©tat de marche Ă leur arrivĂ©e 50 locomotives, 1 384 wagons, mais seulement 11 voitures Ă voyageurs. Ce qui explique que, dĂšs fin juillet 1944, ils faisaient dĂ©jĂ circuler pour lâapprovisionnement du front, bien avant les Britanniques, vers Saint-LĂŽ ou Lison, plus de 230 trains de marchandises transportant 32 000 t de matĂ©riel, et 102 trains de personnel ! La part de matĂ©riel arrivĂ© puis Ă©vacuĂ© des ports par voie ferrĂ©e, dâoctobre 1944 Ă mai 1945, croĂźt ainsi de 10 Ă 48 % et atteint 13 millions de tonnes du 16 octobre 1944 au 24 mars 1945, pour la seule Normandie. De mĂȘme, les transports militaires dâouest en est de la Seine sont, dĂ©but 1945, de 10 au rail pour 1 Ă la route. Certains militaires alliĂ©s reconnaissent alors quâheureusement les â dĂ©tours â Ă©taient partout possibles pour Ă©viter les obstacles, ou coupures majeures effectuĂ©es par les armĂ©es en retraite bibliogr. [27]. 24. Si lâon tient compte globalement de lâOuest europĂ©en, 955 000 t de bombes RAF, 1 million de tonnes USAF ont Ă©tĂ© lĂąchĂ©es. Avec le pourcentage moyen dâobjectifs ferroviaires de 14 % RAF et 26 % USAF, on trouve moins de 1 t au but pour 7 larguĂ©es et 1 homme dâĂ©quipage perdu pour 32 t lĂąchĂ©es⊠ce qui explique la pertinence des interrogations, hĂ©las tardives. Par contre, fort heureusement et bien que ce soit toujours trop Ă©levĂ©, les cheminots français ont comptĂ© 2 361 morts en service, dont plus de 90 % suite aux raids aĂ©riens, mais non moins de 309 fusillĂ©s et 2 480 dĂ©portĂ©s, transportĂ©s par rail comme les autres. 25. Il nâest pas inintĂ©ressant de mentionner quâun projet de publication dâun atlas ferroviaire aĂ©rien couvrant cette pĂ©riode, avec le regrettĂ© J. Salin de La Vie du rail, nâa pu aboutir dans les annĂ©es 1970, trente ans aprĂšs les faits, pour cause supposĂ©e de â secret-dĂ©fense â cĂŽtĂ© français. La guerre restait tiĂšde sous les cendres, ou mal refroidie. 26. Les conclusions de 1945 dans le domaine ferroviaire rejoignent celles constatĂ©es pour la marine, et citĂ©es par P. Masson en 1988 bibliogr. [9], au sujet des limites de la puissance aĂ©rienne le rĂŽle de lâaviation sâest rĂ©vĂ©lĂ© capital, mais, dĂšs les premiĂšres annĂ©es de guerre, les thĂ©ories amĂ©ricano-britanniques sur les bombardements Ă haute altitude en vol horizontal se sont â uniformĂ©ment soldĂ©es par des Ă©checs â sur des objectifs prĂ©cis. Quant au rail français, sâil y eut bien des constats posthumes dâinutilitĂ©s et dâerreurs, aucun des AlliĂ©s, hors cas spĂ©cifiques locaux, ne mit de vigilance ou de cĂ©lĂ©ritĂ© Ă changer de politique ou de directive, en cours dâaction pour Ă©viter davantage de victimes civiles françaises, lâinertie du systĂšme valant bien celle de la SNCF, fin 1944, comme le rappelait trĂšs rĂ©cemment Pierre Sudreau, Ă propos des derniers trains de dĂ©portĂ©s vers lâAllemagne Le Rail, no 81 juillet-aoĂ»t 200, p. 40. _______________ TABLEAU 1. â Raids aĂ©riens â Desert Rail â en France de mars Ă juillet 1944 96 raidsRĂ©sultats constatĂ©s sur les opĂ©rations majeures impliquant plus de 50 avions MoisRaidsnombreAvionsimpliquĂ©sPertes BombesdĂ©versĂ©es Pourcentage de â rĂ©ussite âImmeublescivilsdĂ©truits, nonrĂ©parables1944RAF +USAFBombar-diers seulsAvions%Tonnage testimĂ©eselonRAF/USAFdĂ©comptĂ©e sur photos Mortscivilsy. MarsRAF 14 1 783 261,4 6 5682112 1 375 816AvrilRAF 16 3 991 471,1 7 0796035 ? 589MaiRAF 26 4 264 982,3 15 9202626 1 341 1 674JuinRAF 15 2 245 743,2 8 6136730 1 582 2 100JuilletRAF 18 2 612 752,8 8 5404120 3 795 1 800Mars et seule 7 667 121,6 1 6805010 3 982 3 465Total en 5 mois96 15 562 332 - 2 300 morts2,1 48 400462211 97510 444Sur total France170195 000 2 900 - 21 000 morts 610 000 ? ? ?67 078Proportion Rail % 8 11 8 15,5 _______________ Bibliographie En langue française [1] Eddy Florentin , Quand les AlliĂ©s bombardaient la France. 1940-1945, Paris, Perrin, 1997. [2] T. A. Siefring, LâUS Air Force dans la DeuxiĂšme Guerre mondiale, Paris, EPA, 1979. [3] ClĂ©ment Ader, Les vĂ©ritĂ©s sur lâutilisation de lâaviation militaire avant et pendant la guerre 1914-1918, Toulouse, Douladourre, 1919. [4] Ducellier, La guerre aĂ©rienne dans le Nord de la France, 5 vol., Abbeville, Paillart, 1994-1999. 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